Exposition "Si loin si proche"

Si loin si proche. Objets d’ailleurs dans les intérieurs européens

D’Apollinaire à Saint-Laurent, de Fortuny à Clémenceau, d’Alexandra David-Néel à Arman, de Chanel à Moravia, de Loti à Breton, des Européens ont vécu chez eux avec des objets venus d’ailleurs et ont composé avec ces derniers des cadres de vie singuliers.

Les photographes comme Robert Doisneau, Gervais-Courtellemont, Marion Kalter et bien d’autres ont su saisir tout ce que ces intérieurs révèlent de leurs habitants. Car on ne choisit pas par hasard de s’entourer d’objets des lointains et leur présence se mêle à celle de leurs propriétaires. Cette exposition raconte la diversité des regards et des attitudes face à ce qui nous vient d’ailleurs.

Vivre avec l’Autre n’est pas anodin pour un consul de France en Chine de retour en Bretagne au tournant du siècle dernier, pour un marchand d’art parisien ami des Cubistes ou pour Peggy Guggenheim dans son palais vénitien abritant des œuvres contemporaines. Et, comme Helena Rubinstein l’assure, des liaisons secrètes s’établissent entre les œuvres d’un créateur de mode et ses objets préférés.

La cohabitation se mue parfois en confrontation, des intellectuels comme Freud ou Claudel produisant leur œuvre entourés d’étranges objets qu’ils cherchent à apprivoiser jusqu’à oser parfois avec eux un véritable tête à tête comme le font le peintre Otto Dix ou l’anthropologue Claude Lévi-Strauss.

Enfin, l’obsession qui guette tout collectionneur devient si intense avec de tels objets qu’elle gagne toute la demeure, devenant la scène de l’Atelier d’Ailleurs chez Fortuny, Picasso ou Garouste. Ou bien, on joue à être ici comme là-bas, en créant un univers utopique comme l’ont fait Pierre Loti à Rochefort ou Édouard Bonie à Bordeaux. Encore plus fort, peut-être, la maison paraît parfois se doter de surprenants pouvoirs et cannibaliser son occupant.

Si se retrouvent des figures connues de l’intérêt pour les lointains, comme Breton, Malraux ou Segalen, d’autres le sont beaucoup moins, comme le collectionneur hollandais Lieftkes, le célèbre cinéaste allemand Fritz Lang, l’artiste et collectionneuse suédoise Nell Walden, le grand écrivain italien Alberto Moravia ou le Bordelais Édouard Bonie. Alors que peu d’études et d’expositions ont porté sur ce sujet, cette exposition fait ainsi surgir sous l’œil expert du photographe tout un monde d’Européens littéralement habités par le goût voire la nécessité de l’altérité. Une œuvre vidéo des artistes Kinga et Anatoly Stolnikoff, présenté dans l’exposition vient en résonnance avec cette thématique.

Commissariat scientifique : Sabine du Crest, Université Bordeaux Montaigne